posté le 22 janvier 2007 par françoise
Féminiser par la loi pour moderniser la République
En dépit d’une féminisation accélérée des Assemblées locales, l’inégalité des femmes face au pouvoir politique, perdure en France.
Dans le contexte français d’une crise de la représentation politique, le thème du renouveau des élites est depuis vingt ans, au centre des discours, des programmes et surtout des attentes de l’opinion. Cette situation a entraîné la loi du 6 juin 2000, dite loi de la parité : ouverture et diversification sociale des élites politiques, modification du rapport inégalitaire des femmes au pouvoir. La loiprévoit une parité obligatoire des candidatures (avec alternance homme/femme) pour les scrutins de liste, alors qu’elle reste facultative pour le scrutin uninominal des législatives.
Crise de la représentation
La crise politique n’est pas tant une crise démocratique, qu’une crise de la représentation : sclérose des partis politiques, manque de représentativité des élus, pratique généralisée du cumul des mandats, faiblesse structurelle de la 5ème République. Tout ces points accentuent le phénomène d’accaparement du pouvoir par les mêmes.
Dans un contexte de méfiance à l’égard de la vie politique, la parité, comme la limitation du cumul des mandats, correspond aux attentes profondes des français de voir les représentants élus se renouveler et se diversifier pour être plus représentatifs du corps social.
La parité cinq ans après : les limites du changement
Les municipales et les régionales sont les seules élections au scrutin de liste prévus par la loi de parité. Pour les autres scrutins de liste, la loi a ses limites.
Depuis la réforme de 2003, les sièges sénatoriaux, élus au scrutin de liste proportionnelles sont encore moins nombreux qu’auparavant (ils ne concernent plus que les départements ayant 4 sièges ou plus, contre précédemment, ceux ayant au moins trois sièges). Désormais, seule la moitié des sièges du Sénat sont élus au scrutin de liste proportionnelle, contre les deux tiers auparavant.
De fait, cinq ans après le vote de la loi de la parité, le bilan est très contrasté. Si on doit à la nouvelle législation une rotation accélérée d’une partie des élites locales, elle n’a pas entamé la composition des élites nationales et laisse persister l’essentiel des inégalités homme/femme, face au pouvoir politique.
La loi a provoqué un processus de féminisation sans précédent des élus municipaux et régionaux. La première application de la loi aux municipales de 2001, pour les seules villes de plus de 3500 habitants, a permis de faire passe le nombre des femmes de 25,7% à 47,5%, soit une augmentation de près de 85%. Aux régionales de mars 2004, la part des Conseillères Régionales est passée de 27,5% en 1998 à 47,6% soit une augmentation inédite de plus de 70%.
Les effets de la loi
L’application de la loi a entraîné un renouveau sociologique, rajeuni les élus locaux, rééquilibré la pyramide des âges, au niveau municipal la part des étudiantes est 2 fois plus importante. La féminisation a accru la part des enseignants et des fonctionnaires : en l’absence d’un statut de l’élu local, le statut de la fonction publique représente un filet de protection qui aide les femmes à entrer en politique (par la mise en disponibilité des fonctionnaires). Les élites locales féminisées présentent un profil politique plus ouvert et diversifié : au niveau municipal, 72% sont étiquetées « divers gauche ».
Inégalité persistante des femmes face au pouvoir politique
L’inégalité politique homme/femme revêt un double visage : suivant les types d’assemblées et suivant les niveaux hiérarchiques de celles-ci.
La loi a échoué dans la dynamique de féminisation des assemblées élues au scrutin uninominal. Pour les cantonales et les sièges sénatoriaux élus au scrutin majoritaire, qui échappent à toute contrainte paritaire, il n’ y a pas eu d’effet d’entraînement. Pour les législatives, les partis politiques parlementaires ont torpillé le dispositif de parité incitative prévu par la loi, via les pénalités financières pour les contrevenants.
En l’absence d’obligation, les formations politiques continuent de privilégier les candidatures masculines dans la sélection des investitures. Cette logique conduit à donner la prime aux candidats ayant le plus de chances de remporter l’élection, à savoir les sortants, les notables locaux, en majorité de sexe masculin.
Instaurer l’égalité hiérarchique au sein d’une même assemblée
Le mouvement de féminisation a touché les élus de base des Assemblées, il a épargné le sommet des exécutifs. La proportion de femmes maires stagne à 10,9%. A l’étage supérieur, parmi les présidents de structures intercommunales, les femmes se raréfient encore davantage, elles ne sont que 5,4% et 4,4% parmi les communautés d’agglomération, tandis que les 14 présidents de communautés urbaines n’admettent aucune femme. Au niveau Régional, les 26 présidents de conseils régionaux ne comptent qu’une seule femme : Ségolène Royal.
La « nouvelles féodalité républicaine » est donc restée aux mains des hommes qui cumulent souvent ces fonctions exécutives avec des mandats locaux ou nationaux. « La culture du rapport au pouvoir dans le monde politique français, la culture de la concentration du pouvoir qu’ont les élus, c’est à dire les hommes, constitue un frein particulièrement fort à la reconnaissance de la parité ». La société française est en situation d’archaïsme et de blocage.
Conclusions
La parité n’est pas l’égalité. En dépit d’une féminisation accélérée des assemblée locales, l’inégalité des femmes face au pouvoir, perdure. La division du travail politique, la hiérarchie des genres qui la sous-tend, sont même plus accusées en France que dans de nombreux pays européens, pourtant dépourvus de toutes législation coercitive.